Journal perso


27 mai 2019 : Julia Kristeva : la culture de l'Europe, article du Monde, le 25 mai 2019


Julia Kristeva : la culture européenne est la voie pour une Europe plus solide.

 

Le Monde du 25 mai 2019. Extraits.

 

Résumé

 

« L’espace culturel européen, par son identité plurielle, son multilinguisme, sa culture du droit des femmes et de l’individu, pourrait être une réponse aux crispations identitaires, au déclinisme et à la crise environnementale. »

 

 Extraits de l'article

 

« Il existe une identité, la mienne, la nôtre, mais elle est infiniment constructible et déconstructible. A la question «  qui suis-je ? », la meilleur réponse, européenne, n’est évidemment pas la certitude, mais l’amour du point d’interrogation. »

« Une identité sans définition, qui renvoie le « je » à un irreprésentable, éternel retour sur son être même. »

« Montaigne consacre la polyphonie identitaire du Moi : ‘Nous sommes tous des lopins et d’une contexture si informe et diverse, que chaque pièce, chaque moment fait son jeu. »

« L’identité ainsi comprise peut déboucher sur une identité plurielle : c’est le multilinguisme du nouveau citoyen européen. »

« C’est en passant par la langue des autres qu’il sera possible d’éveiller une nouvelle passion pour chaque langue et nation. »

« Une diversité culturelle nationale est le seul antidote au mal de la banalité,  c’est nouvelle version de la banalité du mal. »

 

« Sans être subordonnée à une cause, cette liberté fondamentale [la liberté qui apparaît dans le monde grec, se développe avec les présocratiques et par l’intermédiaire du dialogue socratique] se déploie dans l’Etre de la parole qui se livre, se donne, se présente à soi-même, à l’autre, et, en ce sens, se libère. Cette libération de l’Etre de la parole par et dans la rencontre entre l’Un et l’Autre s’inscrit en questionnement infini […]. La poésie, le désir, la révolte en sont les expériences privilégiées, révélant la singularité incommensurable et pourtant partageable de chaque femme, de chaque homme. »

 

« Parmi les multiples causes qui conduisent aux malaises actuels, il en est une que les politiques passent souvent sous silence : il s’agit du déni qui pèse sur ce que j’appellerai un ‘besoin de croire’ préreligieux et prépolitique universel, inhérent aux êtres parlants que nous sommes.

« L’ivresse de n’avoir aucune valeur et le martyre de l’absolu paradisiaque se côtoient dans cette maladie d’ ‘idéalité’ qui secoue la jeunesse, et avec elle, le monde. »

 

« Au carrefour du christianisme, du judaïsme et de l’islam, l’Europe est appelée à établir des passerelles entres les trois monothéismes. Plus encore, constituée depuis deux siècles comme la pointe avancée de la sécularisation, l’Europe est le lieu par excellence qui pourrait et devrait élucider le besoin de croire. Mais les Lumières, dans leur précipitation à combattre l’obscurantisme, en ont négligé et sous-estimé la puissance. »

 

« Face au verrouillage du politique par la finance et l’hyperconnexion, et contre la déclinologie ambiante et l’autodestruction écologique, l’espace culturel européen pourrait être une réponse audacieuse. Peut-être la seule qui prend au sérieux la complexité de la condition humaine dans son ensemble, les leçons de sa mémoire et les risques de ses libertés. »